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La ville d'Argentat s'est lovée à la naissance d'une plaine entourée de nombreux puys et plateaux; cuvette creusée par la Dordogne et ses affluents : le Doustre, la Maronne et la Souvigne. Son histoire est étroitement liée au franchissement de la rivière par l'axe protohistorique Armorique-Méditerranée.
L'étymologie latine incertaine d'Argentoratum signifie : Passage du fleuve. L'oppidum du Puy du Tour puis la villa ou le vicus gallo-romain de Longour (quartier nord d'Argentat) sont certainement à l'origine de la ville. Argentat assure l'interface entre le Quercy-Bas-Limousin, plus largement l'ancienne Aquitaine et le haut pays de l'ancienne Auvergne. Le premier fournissait l'huile, le vin, les noix sans oublier le sel indispensable aux troupeaux auvergnats, l'autre principalement des merrains, des carassonnes, du bois d'oeuvre, beurres, fromages et peaux. La Dordogne en était la grande voie commerciale. Les aménagements routiers du 18ème s. confirment ce rôle de trait d'union et complètent idéalement l'impétueuse rivière. Un atelier monétaire mérovingien fonctionnait à Argentai pour faciliter les transactions. Ce trafic pluriséculaire mobilisait une partie de la population. Au 17ème s., on relève de multiples professions artisanales : muletiers, corroyeurs, maîtres de poste, maréchaux-ferrants, bourreliers, tanneurs, gantiers, teinturiers, cordonniers, sabotiers, chapeliers, rneirandiers et tonneliers. Certains toponymes évoquent encore ces métiers : "Afachadour" (d'afachar qui signifie tanner le cuir, la ville étant particulièrement bien alimentée en eau), le "Basteyroux" (quartier des artisans fabricants de bâts pour les bêtes de somme; le transport se faisait à dos de mulet). Au 10ème siècle, Argentat, centre d'une vicairie, est déjà qualifiée de "ville murée". L'abbaye de Carennac (Lot) y installe en 1075 un prieuré clunisien. Jusqu'à la guerre de Cent ans, les maisons s'agrègent autour de l'église prieuriale et du fort, "lefortalicum". Le domaine d'Argentat, en marge des possessions de St-Géraud d'Aurillac, relève néanmoins de la juridiction de la vicomté de Turenne. Contrairement à Beaulieu sur Dordogne et en raison de sa position de marche de la principauté, la ville ne bénéficie d'aucune charte de franchise.
Deux accès commandaient l'entrée dans ce bourg "ecclesio-castral" : la porte Sobrane au nord et au sud la porte basse qui ne fut démolie qu'en 1842. L'enceinte primitive fut doublée avant
1586 d'une seconde enceinte percée elle-même de quatre issues détruites en 1766: portail des Condarnines, Lavergne, Sainte-Ursule et la Vaurette. La ville, au cours de la guerre de Cent ans, a vraisemblablement subi les assauts des Anglais relayés par les grandes compagnies qui dévastèrent le pays. Pourquoi fut-il nécessaire de reconstruire entièrement l'église précisément à cette époque? Sa dernière fondation étant l'initiative, en 1875, d'Auguste Lestourgie. Du Moyen Âge à la Révolution, la noblesse possédait son château à l'extérieur du bourg, et souvent une maison de ville (cas fréquent à Collonges la Rouge, Beaulieu sur Dordogne, etc) qui se distinguait par une tour d'escalier en milieu de façade. Place importante du protestantisme au 16ème siècle, Argentat possédait son temple et ses ministres. Après les guerres de Religion, les revenus des fiefs changent de main et enrichissent la bourgeoisie locale. Deux siècles de prospérité, encore lisibles sur les façades des demeures, s'annoncent. Par imitation, elles se dotent de tours et poivrières. Les maisons les plus anciennes sont élaborées avec un étage à pan de bois en encorbellement. Autre tradition architecturale : les maisons à galerie (le bois bordant les quais. Elles constituent un site inscrit. Ces balcons sous toits à forte pente se chevauchent et s'entremêlent de façon homogène. Celles des n° 24 et 26 de la rue du Jardin Public sont certainement les plus anciennes. Le chaume casquant les toits fut assez rapidement interdit dans le noyau urbain. On le remplace dès le 16ème par des feuilles de schiste. Des carrières de lauzes existaient au Basteyroux et aux alentours de la ville. Ici comme ailleurs, l'architecture est déterminée par le milieu et ses matériaux. Si l'arrivée du chemin de fer, les mutations économiques ont peu à peu détourné la ville de son ancien centre nerveux, aujourd'hui le tourisme renoue pleinement avec la Dordogne. |